Vienne me fait chier, mais je m'y ennuie constructivement

Publié le par El Kim des Plateaux

 

 

 


 

 

Si j'étais consciencieux et professionnel, j'aurai initulé ce post "Un séjour à Vienne". J'aurais ensuite placé une jolie photo du palais de Schönbrunn en en-tête avec, si possible, un attelage de chevaux traversant la cour intérieure pavée et un valet en livrée mangeant un Apfelstrudel. J'aurais sans doute pu pousser le vice jusqu'à insérer une vidéo ou une bande audio avec une valse du Wien National Opera et j'aurais ouvert le bal à peu près de cette façon : 

"Vienne est une ville superbe, grandiose, tellement... tellement trop que les mots me manquent mais existent sans doute pour en parler. Neuf jours passés dans ses murs m'ont à peine permis de découvrir un centre ville d'une épaisseur historique et architecturale rare. Neuf jours qui ne m'ont pas laissé goûter à toutes les spécialités culinaires dont la ville fut le point de convergence et provenant des si nombreuses contrées dont l'Empire jadis austro hongrois fut le terrain de jeu. Neuf jours à peine pour arpenter des avenues innombrables, des ruelles et des porches ; pour franchir des ponts et marcher jusqu'au Danube dont le cours si paisible charrie avec lui le timbre de tant de voix... Neuf jours pour m'imprégner des notes qui jaillirent sous les mains de tant de compositeurs illustres à la demande de tant de mécènes prestigieux. Neuf jours pour succomber à un syndrôme de Stendhal prévisible et m'effondrer devant l'universel baiser de Klimt dans une salle du Ober SchlossBelvedere...  Neuf jour pour épuiser mes rouleaux de pellicules à prendre en saccade les façades et les courbes de ces prespectives, bâtiments et frontons qui délimitent la ville de leurs trajectoires et de leurs lignes. Neuf jours pour dire combien la vieille Europe est belle, cosmopolite et confortable pour les esprits libres et avides de pèlerinage sans religion. Neuf jour pour marcher dans les pas d'Harry Lime, admirer le coucher de soleil qui vient narguer les passagers du Riesenrad et s'écraser dans un ocre indicible, sur les flêches du StephansDom. Neuf jours enfin, pour adopter les névroses d'une population et d'une ville qui fut le berceau de la psychanalyse et qu'une sédimentation culturelle a rendu à la fois avenante et glaciale, folle et tellement pragmatique..."

Mais je ne peux pas écrire ça parce que Vienne m'a fait chier. Alors je balance une vieille video du Talented Mr Ripley, ce remake pas trop mauvais de l'Ami Américain par Wim Wenders

Il y a trop de choses à Vienne. Moi qui déteste les musées, je n'ai fait que courir. il y a TROP de musées à Vienne. Et dans ces musées qui sont trop nombreux, il y a TROP de chefs-d'oeuvre... Quand je rentre dans ma bourgade proche de l'Aslace, je peux toujours me dire "bah, tu verras Jean-Kim, on trouveras bien quelques petits trucs intellectuels à faire : il y a le retable d'Isenheim à Colmar".

Mais là, Vienne c'est juste pas possible. Imaginez une salle dans laquelle vous entrez et puis soudain, sur le mur qui borde à droite, ce mur que vous avez d'abord pris pour simple et dénudué, vous découvrez cinq nature mortes d'Egon Schiele... là forcément, le coeur s'emballe. boum-boum-boum. un filet de bave à la commissure des lèvres, l'oeil pervers, vous vous approchez en haletant : "non... c'est pas possible... autant de Schiele d'un coup ??" et puis si. C'est le cas. Alors vous commencez à prendre du recul, histoire de vous remettre du choc esthétique, mais vous aviez pas calculé que, jouxtant le dernier tableau, se balancent au bout de leurs pitons, deux petites toiles de Munch, encadrant un Ensor...  C'est... c'est intolérable ! mais avant que le cris de scandale sorte de votre gosier, vous lever les yeux et vous découvrez qu'en guise de frise, les plafonds sont ornés de gravures et portraits par Cranach l'Ancien, Hiernoymus Bosch et Dûrer. Bon, là vous dite scandale. Scandale, on se fout de ma gueule... d'OU EST-CE QU'UN SEUL LIEU GÉOGRAPHIQUE SE PERMET D'EXHIBER L'ARTILLERIE LOURDE À CE POINT ??? mais là, le gardien de la salle s'approche et vous demande d'arrêter de hurler comme vous le faites, parce que merde, à la fin, y'en a qui essaient d'admirer l'exposition Kokoschka, ici. Volte-face furieux et médusé : Kokoschka est là, lui aussi... la petit salaud ! et... c'est un Rubens à côté ??? non mais je rêve pas c'est un Rubens ! Le gardien s'approche en toussotant et vous dit qu'il faut prendre un billet spécial pour l'exposition Kokoschka, tout comme pour l'exposition temporaire sur Picasso. Par contre, Monet et les les impressionnistes, c'est compris dans le prix normal. Et comme il voit votre mine dégoûtée, il prend un air attendri, et finit par lâcher dans un soupir, oui, je comprends, vous êtes déçu, mais les Valesquez et les Holbein sont de sortie en ce moment : un prêt à la National Gallery de Londres. Revenez donc au printemps, ils seront de retour à leur place à côté des Mantegna et des Carravage.

Voilà Vienne ça ressemble à ça. Un lieu infâme où on vous sert tellement de monstres sur un plateau que vous finissez par ne plus savoir ce que c'est que le beau... voilà comment on finit la journée sur les rotules à avoir acouru devant un millier de toiles toutes plus célèbres les unes que les autres.. C'est pas très fairplay de la part des Viennois.

Non, c'est pas très fairplay parce qu'une fois descendu du tramway qui vous ramène à votre hôtel cis à deux pas de la Westbahnhof, il ne vous reste rien des impressions de la journée. 

Quelle bande de cons et de snobs ces Viennois avec leurs Musées plein de sales chefs d'oeuvres... vraiment c'est... c'est c'est sale ! y'a pas d'autre mots pour dire à quel point c'est écoeurant et déloyal de sortir du lourd à ce point. 

Au final, c'est vraiment crade. Ce sentiment infect d'avoir été la victime de Viennois sadiques. Vous les imaginez autour d'une table avant votre arrivée qui complotent. L'un d'eux se lève et dit avec un élan de jovialité horrible

_ "hey ! on pourrait accumuler plein de chef d'oeuvre dans un espace très très restreint mais avec plein d'escaliers comme ça les gens se perdraient !"

Et là son voisin se lève à son tour et il dit

_ "oui ! bonne idée mais il faudrait que l'architecture du bâtiment soit aussi remarquable comme ça, les gens seraient obligés d'amirer aussi les murs et le décors !"

A quoi le voisin d'en face se dresse à son tour en s'exclamant

_ "Wunderbar ! mais alors, faisons en sorte qu'il y ait du relief ! des poteaux, des montées, des descentes, des jardins et des labyrinthes, histoires qu'ils en chient un peu plus !"

Le président du groupe dirait alors, avec une voix de vieux sage :

_ "tout cela est très bien Messieurs, mais vous oubliez l'essentiel : n'autorisons les visites que pendant un volant de jours et d'heure très limitées comme ça, les gens n'auraient pas d'autre choix que de courir quand même pour tout voir et faisons en sorte qu'une excellente bouffe les attendent aux différents points de restauration, comme ça ils se sentiront obligés de ne pas sauter l'heure du déjeuner".

[Applaudissements dans la salle].

Et là le journaliste du Monat Geschrift  se mettrait à hurler

"Messieurs, vous êtes des genies ! Notre ville va devenir le lieu où les cons assoifés de culture piquent un marathon sans le savoir !  

[Nouvelle salve d'applaudissements.] 

 

Quelle bande de sales petits pervers ces Viennois. C'est bien leur faute si je me souviens de rien. Je suis passé devant des toiles que je ne reverrai sans doute jamais et je n'ai plus un seul souvenir... D'ailleurs, je crois que dans l'état de fatigue où ma laissé cette course, on me présenterait une brioche de chez Paul, je me mettrais à hurler que c'est un chef d'oeuvre. 

Non... vraiment j'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne me rappelle de rien. De rien à part des bribes de conversation échangé avec un petit garçon qui restait planté devant le squelette d'un stégosaure au Natural Historische Museum.... 

_ C'est grand dis-je. 

_ Bof... Un tyranosaure ça te le bouffe en un rien de temps. 

_ C'est drôle que tu dises ça... moi aussi j'ai déjà mangé du dinosaure. 

_ Hein ? [Voix sceptique]

_ je dis : j'ai déjà mangé du dinosaure. 

_ Tu as mangé du dinosaure ?? 

_ Aux cerises ! dis-je avec en levant bien haut l'index, histoire d'en rajouter une couche. 

_ Et... c'est bon ? 

_ Non, très décevant. 

_ C'est parce que c'est de la vieille viande. 

_ Sans doute. 

 

Voilà... 24 heures d'avions, de train et de tramway, des centaines de toiles comme décors pour une course qui m'a paru interminable et tout ce qu'il me reste c'est des propos sur la viande de dinosaure...

Quels enfoirés ces Viennois.   


 

 

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